Un important sommet européen s’est tenu le 29 novembre dernier à Bruxelles pour parler et conclure avec la Turquie sur les problèmes de gestion du flux des migrants. La chancelière Angela Merkel, à l’origine de cette rencontre avait rencontré préalablement le président turc, Recep Tayyip Erdogan, pour le solliciter afin de réduire et de contenir les flux de « réfugiés » vers l’UE et bien évidemment vers l’Allemagne. Elle avait laissé entendre la possibilité d’un engagement financier de l’UE pour soutenir l’action en Turquie.
Rappel des données actuelles
Depuis le début de 2015, on chiffre aujourd’hui à plus de 1,4 million le nombre de migrants et réfugiés qui sont entrés dans l’espace Schengen. Un total de près de 1 million d’entre eux aura rejoint l’Allemagne d’ici la fin décembre, répondant aux appels et à l’ouverture de la chancelière. En réaction à ces flux continus importants, la Hongrie, l’Autriche et la Croatie ferment physiquement leurs frontières, sans parler de la Slovaquie et de la Serbie !
Arrivée de réfugiés en Grèce - source : BFMTV
La Grèce pour sa part est en grande difficulté et doit se porter garante des frontières de l’UE ! Les récents attentats en France ne font que renforcer cette anxiété sur les mobilités de migrants et réfugiés, infiltrés par des terroristes islamiques dans l’espace Schengen. Les contrôles aux frontières nationales se multiplient.
Les principales routes de migration - source : Le Télégramme
Principalement en provenance d’Afghanistan, du Pakistan, d’Irak, de Syrie et du Yémen, ces migrants et réfugiés passent par la Turquie pour entrer en Grèce, c’est-à-dire dans l’espace Schengen. Avec un contrôle « facilitateur » aux frontières de la Turquie lié au commerce complice avec Daesh, la situation s’est profondément dégradée. Le récent « laisser-faire » caractéristique aux frontières de l’espace Schengen après les messages d’ouverture de l’Allemagne n’a rien arrangé.
Camp de réfugiés en Turquie - source : 20 minutes
Depuis plusieurs années, ce sont plus de 4 millions de migrants et de réfugiés qui sont hébergés en Egypte (0,15 million), en Jordanie (0,65 million), au Liban (1,2 million), en Irak (0,25 million) et en Turquie (2,2 millions). En ce qui concerne la Turquie, une petite partie est abritée dans des camps au voisinage de la frontière syrienne tandis que la majeure partie des réfugiés et migrants est répartie dans des communautés dans le pays, avec interdiction d’exercer une activité.
Une réunion au sommet préméditée pour un marché de dupes ?
Ce sommet UE-Turquie était certes attendu depuis des années. Il était destiné à parler d’abord des migrants et des réfugiés. Le sentiment général à l’’issue du sommet était embarrassé. On constate des conclusions brèves – trois pages – avec des engagements d’ordre général et sans calendrier détaillé. L’UE fournira bien les 3 Md€ d’euros par an d’aide financière qu’exige la Turquie pour s’occuper des réfugiés syriens hébergés sur son sol, mais l’argent sera déboursé avec discrétion, en fonction des projets d’aide proposés par Ankara à Bruxelles. On ne sait pas encore aujourd’hui d’où proviendront les fonds ! Seulement 500 millions seront mis à disposition rapidement.
L’UE veut à la fois que la Turquie garde les réfugiés, que les contrôles vers la Grèce soient stricts et efficaces, et qu’elle d’intensifie sa lutte contre le passage de combattants européens en territoire syrien. La mise en place dans son ensemble de l’accord de part et d’autre n’est pas pour demain !
Sommet de Bruxelles du 29/11 - source : La Dépêche
Or cette réunion au sommet UE-Turquie a surtout discuté de l’adhésion de la Turquie dans l’Union européenne sur fond de conflit en Syrie avec Daesh. C’est ce qu’il ressort de l’intervention d’Ahmet Davutoglu, premier ministre turc. Il qualifie cette rencontre de « jour historique » pour la relance du processus. Concernant les migrants et réfugiés, les avancées ont été pratiquement inexistantes en référence aux attentes du Conseil européen du 15 octobre dernier. A entendre les commentateurs, près de certains « exécutifs », l’entrée de la Turquie dans l’UE, si elle avait lieu, pourrait prendre encore de longues années. N’oublions pas qu’en ce moment la Commission se préoccupe de l’entrée du Monténégro avant celle de la Serbie…
Quant au processus d’adhésion à l’UE, qui peut le croire ? Même le président Erdogan a laissé entendre qu’il n’y était pas favorable dans l’immédiat. On croît rêver ! Mais ce montage n’arrange-t-il pas d’abord Madame Merkel ?
Jacques Martineau
Cet article a été publié dans Economie Matin du 09/12