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Les limites de la « langue de bois » et du « non-dit » en politique et ailleurs…

Une pratique de plus en plus courante qui génère la défiance !

En toutes circonstances, force est de constater que la communication en politique tient une place exceptionnelle dans l’actualité. Si la presse et les adeptes finissent par s’en accommoder, nombreux sont ceux qui en sont las. La majorité des citoyens s’en détache. Pour les convaincus, ils campent sur leurs positions et tirent les conclusions des interventions avant même qu’elles n’aient eu lieu. Pour chacune d’entre elles, quel qu’en soit l’auteur, les mêmes questions interpellent et sont reprises en boucle par les médias et sur les chaines périphériques.

Des pratiques courantes de communication qui faussent l’information

Dans tous les cas, face aux allusions, aux contradictions, aux « petites » phrases méprisantes, aux propos suffisants déplacés, Il faut savoir réagir pour être crédible face à une majorité de l’opinion sensible au « politiquement correct ». Cela s’apparente à une forme non affirmée de « langue de bois » professionnellement vôtre. Tout écart à cette règle décrédibilise toute contestation, critique ou commentaire à l’égard de l’intervenant. La référence à la qualité, à la position de l’intervenant et à son influence sur l’échelon politique sont déterminantes et souvent plus importantes à prendre en compte que l’objet de l’intervention. Elles compliquent les réponses mais permettent de clore le débat. C’est la loi du plus fort.

« Quand la France se parle… », une émission houleuse sur France 2, début 2019 - source : lefigaro.fr



Les éditorialistes, les experts et les spécialistes politiques se délectent dans des analyses pour satisfaire leurs lecteurs, leurs auditeurs ou leurs téléspectateurs. Ils se limitent souvent à une philologie du « non-dit », tentant d’interpréter le « sous-entendu » ou le « tronqué » ! Affirmations et commentaires dans la bouche des politiques, toutes tendances confondues, sont continuellement mis en doute. Pour appuyer leur propos, les politiques intervenant usent et abusent de tous les artifices connus, « langue de bois », oubli, fake news ou mensonge par ignorance. La répétition de « slogans passe-partout », nouvelles « réponses toutes faites » s’apparentent à de la propagande et finissent par ne plus franchir les portes des studios pour les plus avertis !

Parler pour ne rien dire : un exercice difficile pour certains et pourtant… - source : my canal.org



Dans les médias, sur les plateaux, les intervenants politiques concernés pour échapper aux critiques ignorent la vérité provoquant des séries de questions sans réponses. Pour les observateurs et les divers interlocuteurs, ces interrogations finissent par masquer l’objet réel de l’intervention. La « forme » et les apparats, incluant la couverture médiatique et le contexte, ont tendance à précéder, et de loin, le « contenu » de l’intervention et surtout le « fond » du message. Oui, la « langue de bois » et le « non-dit » sont devenus monnaie courante. Faute d’information utile et exploitable, ces artifices vont aider le politique interviewé à se protéger de mots excessifs et de reproches déplacés.

Une priorité absolue : l’« apparaître » et le « paraitre »

L’« apparaître » et le « paraître » sous toutes leurs formes sont aujourd’hui, les moyens essentiels qui servent la plupart des dirigeants, pour tenter de convaincre. De l’écrit, tweet, lettre ou simple communiqué, à l’image, publique ou privée, en passant par l’audio, la communication occupe une telle place que tous les détails sont observés, scrutés, interprétés et critiqués. Les jugements de l’intervention se limitent à la « forme ». Les médias audiovisuels y contribuent. Le comportement de l’interlocuteur est d’abord analysé par les journalistes comme s’il s’agissait d’un examen de passage !

Emmanuel Macron lance le « grand débat » devant les maires en Normandie – source : liberation.fr



Tous les politiques n’ont pas « l’aura » du Chef de l’État. Leur présence ne suffit pas pour générer de l’intérêt. Suivant l’importance de l’interlocuteur, l’objet de l’intervention, comme le « fond » du message peuvent arriver au second rang. D’aucuns l’ont même oublié. Le « contenu » est parfois vide de sens. « Parler pour ne rien dire » ou pratiquer la politique du « non-dit » est le cas de beaucoup d’intervenants. Dans ces circonstances, la répétition est une « arme de service » pour convaincre. Elle fatigue avant d’épuiser dans l’indifférence. Cette attitude n’est pas propre aux politiques. Elle concerne n’importe qui détenant une parcelle d’autorité dans la vie politique, professionnelle, associative, publique ou privée.

Personne ne peut nier l’importance d’une autorité et d’une hiérarchie dans l’action de tous les jours. Néanmoins, les réactions sont de plus en plus vives, mettant en cause le « bien-fondé » des interventions superfétatoires. L’insatisfaction à tendance à se généraliser surtout quand un « contenu » stylisé se limite à une « langue de bois » programmée et convenue. Pourquoi imaginer que les auditeurs, les interlocuteurs et les personnes concernées par les propos ne sont pas en mesure de découvrir la « manipulation » ? Non, ces derniers ne sont pas des « imbéciles ». Et les observateurs seront là dans tous les cas pour les aider à décoder.

Sous couvert de « suffisance », assez de ne pas vouloir dire la vérité !

« Langue de bois » et « non-dit », même avec un choix adapté des mots et des artifices, sont avant tout le témoignage d’une puérilité inhérente à la fois à l’intervenant et à ses conseillers ou à ses proches. Il s’agit la plupart du temps d’une façon de s’exprimer, absente de sens, qui est accueillie par ceux auxquels elle s’adresse comme supérieure voire méprisante. Le « ras-le-bol » éprouvé par les citoyens se focalise sur les « non-dit » et les « sous-entendus » générant des « fake news ». Ce danger est d’autant plus réel que le palliatif employé par les intervenants frise lui-même la répétition et l’exagération. Ils se persuadent qu’à force de ne jamais vouloir dire la vérité, ils finiront par être écoutés !

Hors de l’assemblée, les députés vont être amenés à s’exprimer devant les médias – source : lejdd.fr



Dans tous les secteurs, à tous les niveaux de responsabilité, ce jeu de « suffisance » domine trop souvent les discours de politiques, d’économistes, de journalistes ou d’autres. Se considérant comme détenteur de « leur » vérité, ils peuvent s’accrocher ou se battre autour des quelques mots ou phrases lâchés avec plus ou moins de parcimonie ou d’intérêt. Le besoin d’expliquer aux autres reste le même. Mais dans l’emballement, personne ne réussira à mettre les « pieds dans le plat » pour insister sur le fait que l’objet et le fond de l’intervention ou du débat n’ont jamais été abordés.

Le « grand débat » est la parfaite illustration de cette carence...

A l’origine des décisions et du « grand débat », les « gilets jaunes », principaux intéressés, ont été volontairement ignorés. La contestation persiste comme les rassemblements hebdomadaires. Cette attitude officielle généralisée n’a pas arrangé les choses. Elle a montré que la confiance se perdait. L’autorité des gouvernants est mise à mal. Plus personne ne s’aventure à croire le propos du politique. Ceci est d’autant plus redoutable que le pouvoir de « position », même au plus haut niveau de l’État, est affaibli et que le doute s’installe.

Les « gilets jaunes », initiateurs oubliés du « grand débat » ? - source : Ouest France



Les réactions au mouvement des « gilets jaunes », le lancement du « grand débat », sa conduite comme sa restitution en sont la meilleure preuve. Les réponses concrètes à venir, destinées à satisfaire les requêtes d’une petite partie de français qui se sont exprimés, auront du mal à être crédibles pour les autres. Par réaction, elles seront rejetées par une grande majorité de citoyens qui se sentiront, oubliés parfois même méprisés.

La coupe du mécontentement se remplit progressivement par l’absence de crédibilité. Les limites de l’acceptable sont atteintes. Attention danger pour la France, la défiance s’installe à tous les niveaux dans tous les secteurs et dans tous les domaines. Ce n’est pas une fin en soi. La chute n’est pas encourageante. Espérons quand même que « certains » de nos décideurs, politiques et autres dirigeants, publics ou privés, sauront en tirer la leçon avec modestie.

Jacques Martineau

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